lundi 13 décembre 2010

Touche moi pas !

Des fois, je m'y repense.
Et je me crie,
Touche moi pas !

Pis j'ai le goût de me promener en voiture, trouver des belles étoiles pis de me souler la gueule dans le bois.
Pis d'inventer des poèmes à mesure, tout soul comme une pelle.

Sacré Charlemagne !

Je vais leur fair’ payer leurs naïv’tés
Ces pauvr’s enfants, pauvres emmerdeurs
Les faire suer ces déboussolés
Chauffer leurs têt’s et crever leurs cœurs

Mais qui a eu cette idée folle ?
Charlemagn'. Sacré Charlemagne !

Ils vont cracher des Alexandrins
Et je me fou si ça sert à rien
Mordre la poussière devant Pythagore
Ils vont en baver, encore encore !

Mais qui a eu cette idée folle ?
Charlemagn'. Sacré Charlemagne !

Et pas d’pipi dans la journée
Pas de collation avant midi
Et just’ pour les faire encore plus chier
J’vais en prendr’ trois, des inédits

Mais qui a eu cette idée folle ?
De me faire aimer, ainsi l’école ?
Charlemagn'. Sacré Charlemagne !

mercredi 8 décembre 2010

La boussole

Le moment était venu. Je regardais le calendrier du coin de l’œil et nous étions bien le quatorze, la date étant encerclée d’un cœur au marqueur rouge. La femme aux yeux de panthère me regardait et se préparait à une éventuelle attaque.
Elle n’avait pas déballé le cadeau encore, mais elle était déjà prête. Je lui avais bien prouvé, les dernières semaines, que je n’étais qu’une bête sans aucun potentiel romantique. Un animal de compagnie, si l’on peut dire.
C’était d’ailleurs de cette façon que j'imaginais l’amour avant de rencontrer Sandy. L’homme-chien et la femme-gazelle. Nous ne sommes pas divins, laissons à Dieu ce qui Lui appartient ! Je veux dire, nous buvons, nous péchons, pissons et chions. Tout ce qu’Il ne peut pas faire. Alors, pourquoi nous penser ainsi supérieur ?

Mais enfin, pour Femme, l’amour ne se contentait pas de l’animal, Femme voulait de l’attention. Femme voulait de la poésie. Femme voulait des chandelles. Femme voulait l’Amour.

La Poésie. D’accord…
Elle voulait d’abord des Alexandrins.
Puis, elle ne voulait pas de rimes en « é ». Ni en « a », ni en « i ».
Elle voulait quelque chose de beau, mais pas trop « déjà vu ».
Ni trop original, ni trop banal.
Elle voulait des belles sonorités, mais il ne fallait pas négliger le contenu.
Il fallait que le poème parle d’elle, mais pas directement…

Je lui ai donc acheté des biscuits chinois et me résignai au divan pendant quelques semaines.

Ensuite, ce furent les chandelles.
Plusieurs possibilités s’offraient à moi : le souper, le massage à la cire, le bain en amoureux. Des échecs. Que de grands échecs monumentaux ! En fait, mon problème était le feu. La nappe, le poulet BBQ, les rideaux, nos vêtements, tout brûla ! Et pour le bain, ce fut plutôt l’espace restreint qui gâcha le romantisme. Nous ne parlons pas ici des baignoires dans les téléromans ou dans les films de cul, ça, c’est des piscines multifonctionnelles. Non messieurs ! Je parle ici des bains conventionnels qui traînent dans nos salles de bains de citoyens ordinaires. Ceux dans lesquels nous avons partagé, Sandy et moi, des pieds et des mains, mais aussi des coudes et des genoux, des couilles et des coups.

Maintenant, elle regardait le cadeau. Nous en étions là. Le silence s’était presque emparé de la pièce, seul le bruit du robinet venait déranger ce vacarme de silence. Ce robinet qu’elle m’avait demandé de réparer, ce robinet qui comptait les secondes de jour en jour depuis quelques semaines.
Tic – Qu’est-ce qu’elle veut ?
Tic – Des fleurs, chocolats, peluche ?
Tic – Une bague ?
Tic – Une boussole ?
Une boussole ! Bien sûr ! Bien que la boussole en soi puisse sembler banale, avec un joli discours, ce cadeau était parfait !
Et j’imaginais déjà mon baratin.
Je lui dirais : « Qu’importe le moment, qu’importe l’heure et l’endroit. De cette boussole, tu me trouveras. Elle te guidera vers cette âme-sœur que je suis et elle nous liera pour l’éternité. Je suis ton amour. Tu es mon amour. Nous sommes nos amours et pour toujours ! »
Et j’ajouterais que c’était sa beauté qui m’avait inspiré la carte, les dessins de fleurs, de soleil, notre bonheur mutuel.

Elle regardait donc le cadeau. Des gouttes de sueurs roulaient le long de ma tempe, mais j’étais prêt à courir en cas d’éventuel danger.
Elle déballait le cadeau dans un mouvement lent, telle une ballerine qui quitte le sol au ralenti.
Je restais attentif, bien que mon cœur battît si vite, si fort. Je ne voulais manquer sa réaction. Sa surprise.
Bout de papier et bout de papier. Dans les airs, qu’elle jetait, déchirant et déchiquetant, doucement et tranquillement. Jusqu’à la vue du cadeau, la vue de cette… merveilleuse et incroyable… clef anglaise.
Eh oui, clef anglaise. Rien de romantique n’est-ce pas ? Elle était folle de rage. Sautant tel un gorille. Tel un primate s’étant fait jouer un pauvre tour par un camarade.
Je retrouvais enfin l’animal chez ma douce !
« Qu’est-ce qu’il y a chérie ? Tu sembles ne pas aimer ton cadeau. »
Elle le détestait !
« Pourtant, c’est toi qui te plaignais du robinet qui coulait et moi qui n’avait le temps de le réparer. Tu vas maintenant pouvoir le faire toute seule ! »
Elle me détestait ! Et c’était tant mieux ! Pour rien au monde je ne voudrais me lier éternellement à une femme aussi capricieuse. Je me sentais enfin libéré !
Le bruit tendre et léger d’un départ.
Elle claqua la porte.