mardi 11 janvier 2011

La mer calme

C’était grand, immense. L’extrémité était à la perte de la vue. Simplement car elle était trop loin. Le bleu et le calme, l’infinie douceur qui frappe mon ventre comme une tornade de soie. La légèreté de l’être, que j’enferme dans un coquillage, et j’écoute la mer. L’as-tu entendu ? Elle chantait notre mélodie.

« Lève-toi ! s’écriait soudainement Conscience Cupidon, me réveillant de mes rêveries. Ta dulcinée t’attend ! »

Je fermai aussitôt les yeux sous les couvertures, sous les draps, à essayer de me fondre sous le matelas même. Je disparaissais dans la mer à drap, sous ces eaux calmes à dormir. Je me berçai les paupières au rythme de ses vers, au sang de ses syncopes régulières. Je dormais dans son berceau d’algue et j’apercevais le monde, une particule de monde. Loin, loin, loin…

« Tu me f’ras pas honte de même toé ! me hurlait Conscience Maman. Lève toé sacrament ! »

Je retenais mon souffle.
« Fichez-moi le camp ! »
Je chassais les nuages pour n’avoir que le bleu. Que le bleu en tête, le ciel et la mer, le froid et les joues en hiver. Je retenais l’air jusqu’à ce qui ne reste que de bleu au monde et que de moi de vivant. La tête sous les couvertures, je regardais la mer et je respirais ce que je pouvais avant la marche. Conscience Cupidon me chaussa les pieds et m’habilla de mon veston-cravate. Je voulais dire non, mais je crois que j’ai dit oui.
Alors, les yeux à demi-clos je marchai sur la mer. Il y avait des boules blanches qui flottaient et qui roulaient sur la surface. Des algues en profondeur me chatouillaient les pieds. En habits noirs, des dauphins s’approchèrent de moi :

« Elle était si jolie. Elle va nous manquer » disait l’un.

« Je suis certain qu’elle nous regardera d’où elle sera » disait l’autre.

Les paroles des dauphins me paraissaient étranges dans un tel contexte. Pourquoi se convainquaient-ils de ses obscénités qu’on disait aux enfants pour les consoler ? Ces miracles étaient si lourds à penser, l’éternel me fatiguait et j’entendais un enfant tortue demander à sa mère :

« Pourquoi y’ s’ferme les yeux m’man ? »

– Parce qu’il est triste, inventait Conscience Cupidon.
– Parce qu’yé lâche, s’opposait Conscience Maman.

Ils me lançaient des boules blanches de la mer. Me tirant chacun de leurs côtés, sous l’eau et sur le ciel. « Ouvre tes yeux et pleure en homme ! » me hurlaient-ils. « Ouvre tes yeux et pleure en homme ». En harmonie, à l’unisson. Décaler et en canon, puis syncopé en gamme mineure. Et…

« Ça suffit ! »

J’avais les yeux ouverts. Sèches comme le sable où il n’y avait pas de plage. Les gens me regardaient, mon père et ma mère étaient assis aux premiers sièges en avant, présents pour leurs images. Maria était couchée dans une boîte, un sourire modelé aux lèvres. Elle avait presque l’air heureux. L’éternel bonheur ! Le paradis, les anges, la musique, les harpes et le doux Jésus sur la croix. Les parfaits !

C’était mon devoir d’être triste, mais je ne l’étais pas. C’était Cupidon qui le disait, mais je voulais m’appuyer sur autre chose que le néant. Ça me fatiguait tout ça.

Je repartis m’asseoir et resta sage à écouter le curé. Je fermai les yeux et un enfant tortue demanda à sa mère :

« Pourquoi y pleure pas m’man ? »

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